1. Qu’est-ce qu’un anévrysme ? (anatomie macroscopique et microscopique)
Un anévrysme est défini comme une dilatation située sur une partie d’un vaisseau sanguin ; dans ce cas il s’agit des artères cérébrales, à l’intérieur des méninges et du crâne. Normalement, la paroi d’une artère cérébrale est constituée de plusieurs couches : une fine couche profonde (l’endothélium, l’intima) servant aux échanges entre le sang et le tissu cérébral ; elle n’a pas de résistance mécanique importante contre la pression sanguine. Elle est doublée d’une couche beaucoup plus épaisse et résistante qui contient des fibres musculaires et des fibres élastiques (la média). Un anévrysme se forme à partir d’une zone de la paroi de l’artère où la couche musculo-élastique est manquante (la raison de ce manque est l’objet de recherches et de discussions : plusieurs théories sont à l’étude, mais des facteurs congénitaux et parfois héréditaires interviennent). A partir de cette zone de « faiblesse » de la paroi, sous la force de la pression artérielle, la couche la plus mince fait « hernie » à travers le défect de la couche musculo-élastique (on peut imaginer qu’un anévrysme ressemble à une hernie de chambre à air sur un pneu), et il se forme un anévrysme. Il est constitué d’une poche, dite « sac anévrysmal » dans laquelle le sang artériel sous pression circule en tourbillonnant alors que sa paroi est très mince et fragile, et d’un « collet », correspondant à la zone de passage entre l’artère et le sac. Avec le temps sa taille et sa forme peuvent évoluer, et les anévrysmes observés ont un diamètre allant de quelques millimètres à plusieurs centimètres. Presque toujours, ces anévrysmes sont situés sous la base du cerveau, et au contact d’une bifurcation de l’artère.
2. Fréquence dans la population : (données épidémiologiques)
Les sujets porteurs d’anévrysmes sont fréquents et on estime que entre 1% et 2% de la population française est porteuse d’un anévrysme intracrânien (ce chiffre est beaucoup plus élevé dans les populations suédoise et finlandaise). Dans 10 à 20 % des cas selon les études, il existe plusieurs anévrysmes chez un même patient (formes multiples) et dans un faible pourcentage de cas il existe des formes dites « familiales » avec contexte héréditaire, mais ceci est loin d’être la règle et il faut considérer dans la grande majorité des cas que l’anévrysme est le résultat d’une malformation congénitale non héréditaire. Enfin ces anévrysmes sont particulièrement fréquents chez les patients porteurs de certaines maladies telles les dysplasies artérielles, les polykystoses rénales, ou certaines rares maladies du tissu élastique. Leur évolution à long terme est aggravée par le tabagisme, par un taux élevé de cholestérol dans le sang, et par l’hypertension artérielle dite HTA (« avoir de la tension »).
3. Conséquences possibles d’un anévrysme : (histoire naturelle et évolution)
a. : Anévrysmes sans hémorragie, non rompus : En principe, un sac d’anévrysme de taille moyenne ou petite, situé dans la boite crânienne, mais au simple contact du cerveau ne provoque aucun dysfonctionnement cérébral, aucun symptôme (il est « asymptomatique »), aucun trouble et le patient comme son médecin ne peuvent absolument pas savoir qu’il existe un anévrysme. Dans un certain nombre de cas, cette situation va durer toute la vie, et le patient n’entendra jamais parler de son anévrysme, il n’en souffrira jamais ; mais le nombre ou la proportion de ces cas sont mal connus car comme il ne leur arrive rien, ils n’ont aucune raison de venir consulter et ils échappent, pour la plupart d’entre eux, aux études statistiques médicales qui sont faites à partir des populations qui viennent consulter. Par contre, de plus en plus d’examens radiologiques et d’imagerie médicale (essentiellement scanner et imagerie en résonnance magnétique, IRM) sont capables de détecter un anévrysme, et il arrive souvent qu’un patient subisse l’un de ces examens pour une tout autre raison (bilan d’une sinusite, traumatisme crânien…) et qu’on découvre par hasard un anévrysme qui était inconnu jusqu’alors. Ces anévrysmes dits « de découverte fortuite » sont de plus en plus fréquemment rencontrés en raison du nombre croissant d’examens radiologiques prescrits, et il est très difficile de dire au patient quelle chance il a de ne jamais avoir d’ennui en raison de cet anévrysme, et quel risque réel existe que les complications les plus graves surviennent.
b. : Rupture d’anévrysme : quand l’anévrysme se manifeste, c’est dans la très grande majorité des cas brutalement, par sa rupture. La rupture de l’anévrysme constitue l’évènement majeur de l’histoire de ces patients : sous les à-coups de pression sanguine artérielle générés par les battements cardiaques, la fine et fragile paroi du sac de l’anévrysme se rompt, ce qui entraîne une hémorragie intracrânienne. Il s’agit d’un accident vasculaire cérébral de type hémorragique. L’hémorragie peut se limiter à du sang répandu dans les espaces méningés entourant le cerveau sans destruction cérébrale : on parle alors d’hémorragie méningée. Dans d’autres cas l’hémorragie sous forte pression entraine des dégâts directs du cerveau, ou parfois forme un gros hématome (caillot de sang) comprimant et détruisant du tissu cérébral alentour : on parle alors d’hémorragie cérébro- méningée. Ainsi, selon la gravité des lésions provoquées par l’hémorragie, les symptômes vont d’une simple céphalée (mal de tête), à la mort subite, en passant par des tableaux de syndromes méningés (méningite sans fièvre occasionnée par la présence de sang dans les méninges), voire de coma avec ou sans hémiplégie (paralysie d’un côté du corps). Tous ces tableaux ont en commun d’être de survenue brutale. La mort subite est un évènement statistiquement fréquent puisqu’on estime que seuls 50 % des patients qui rompent un anévrysme arrivent vivants dans un hôpital. Et parmi eux, un tiers environ arrivent dans un état gravissime, ou vont présenter des complications graves de cet accident hémorragique ou de son traitement. Finalement, 1/3 environ des patients qui présentent une rupture d’anévrysme sortira guéri et en bon état de l’hôpital. Ces chiffres démontrent la gravité statistique des ruptures d’anévrysme intracrânien, ainsi que l’intérêt de traiter ces anévrysmes avant une rupture ou une rerupture.
c. : il faut encore signaler que certains anévrysmes ne se rompent pas, mais augmentent progressivement de volume jusqu’à devenir géants (plusieurs centimètres de diamètre). Cette éventualité est rare, mais pose le problème d’une masse expansive et compressive qui nécessite un traitement souvent assez difficile et risqué.
4. Traitements préventifs :
Il n’existe aucun traitement préventif permettant d’éviter la formation d’un anévrysme, lésion dont la survenue est fortement conditionnée par des facteurs congénitaux et parfois héréditaires.
Par contre, lorsqu’on est porteur d’un ou de plusieurs anévrysmes, certains facteurs augmentent clairement le risque de rupture de cet anévrysme : le tabagisme, l’hypertension artérielle (HTA) et l’hypercholestérolémie (excès de cholestérol dans le sang). De même, ces trois facteurs augmentent à long terme le risque de récidive de rupture d’anévrysme, même si une première rupture a été traitée avec succès. Il est donc important et efficace d’éviter le tabac et de traiter correctement une HTA et un taux élevé de cholestérol sanguin. Ces mesures seront au mieux prises en charge par votre médecin généraliste.
L’anévrysme est une maladie de la paroi des artères, et tout ce qui est mauvais pour les artères est mauvais pour l’anévrysme.
5. Traitement de l’anévrysme : la chirurgie.
Il existe 2 façons de traiter les anévrysmes : l’embolisation et la chirurgie. Dans votre cas c’est la chirurgie qui vous est proposée. Les raisons de ce choix vous ont sans doute été expliquées lors de la consultation avec le neurochirurgien.
Vous devrez également être vus en consultation d’anesthésie avant l’intervention qui se déroulera entièrement sous anesthésie générale. Au cours de cette consultation, le médecin anesthésiste vous expliquera tout ce qui concerne votre anesthésie, et en particulier les risques qu’elle présente.
Il faut bien comprendre que cette opération est uniquement préventive, qu’elle a pour seul but d’empêcher une rupture catastrophique de votre anévrysme et que vous n’irez pas mieux après l’opération qu’avant. A priori votre anévrysme n’est responsable actuellement d’aucun symptôme, aucune amélioration de votre état actuel ne doit être attendu de cette opération dont le seul et unique intérêt est qu’après, vous serez à l’abri du risque d’une rupture d’anévrysme.
5.1 Principe de l’opération : il s’agit d’une opération sous anesthésie générale, micro neurochirurgicale ce qui signifie que le microscope sera utilisé pendant une partie de l’opération. Elle dure environ 2 à 4 heures. Le chirurgien doit disséquer et exposer l’anévrysme, les artères concernées et le collet de l’anévrysme pour placer sur le collet un ou plusieurs « clips » de façon à fermer complètement le sac de l’anévrysme sans obstruer les artères sur lesquelles l’anévrysme s’est développé. Les clips sont des petites pinces métalliques non ferromagnétiques (donc pouvant passer dans une IRM, dans les portails d’aéroport et de tous les magasins) qu’on laisse définitivement en place. Pour arriver à cela, il faut inciser la peau du crâne (le scalp, ou le cuir chevelu), en général en partant de devant l’oreille, en suivant ensuite la zone d’implantation des cheveux (ce qui nécessite parfois un rasage partiel et discret réalisé par le chirurgien pendant votre anesthésie). Cette incision est plus ou moins grande mais ne correspond pas à la taille de l’ouverture du crâne qui sera beaucoup plus petite. Lorsque les cheveux auront repoussé, la cicatrice sera ainsi cachée par les cheveux. Ensuite, il faut sectionner le muscle temporal (qui vous sert à mâcher), puis à l’aide d’un trépan il faut ouvrir la boîte crânienne, puis ouvrir les méninges .Ces temps ne comportent absolument aucune difficulté. A partir de ce moment on utilise le microscope opératoire qui permet d’accéder avec le minimum de dégâts aux artères concernées. Elles sont soigneusement repérées avant d’accéder à l’anévrysme lui-même ; ce dernier est alors bien isolé et exposé : on peut alors placer un ou plusieurs clips sur le collet. Il faut bien s’assurer que l’on ferme tout le collet et que l’on ne prend pas dans les mords du clip une artère normale. L’intervention est alors terminée, il suffit de suturer la méninge, de remettre le volet osseux (fixé par des sortes de rivets ou par des fils de suture), et enfin de recoudre la peau.
5.2 : Suites postopératoires précoces : on vous laisse ensuite vous réveiller doucement de l’anesthésie par élimination des drogues qui vous ont été administrées et vous serez ensuite conduit en salle de réveil afin que vous puissiez être surveillé de près. On vérifie que vous reprenez conscience, que vous ouvrez les yeux, que vous n’avez aucun membre paralysé et que vous comprenez ce qu’on vous dit, et on vous enlève les tuyaux d’intubation. Vous restez en surveillance ainsi pendant quelques heures, en salle de réveil (parfois certaines équipes prévoient de façon systématique un passage de 1 ou 2 jours en service de réanimation), puis lorsque l’anesthésiste estime que vous êtes en sécurité, il vous fait regagner votre chambre. Des prescriptions d’antalgiques sont systématiques car après cette intervention vous pourriez avoir des céphalées (maux de tête). Dans certains cas un traitement antiépileptique (comprimés) est prescrit pour une courte période.
Le lever est en général autorisé 24 ou 48 heures après l’intervention, avec la reprise d’une alimentation normale le lendemain. La date de sortie du service pour le domicile est variable, possible à partir du 5ème jour environ après l’intervention pour les anévrysmes non rompus, mais différée si il y a eu hémorragie méningée au départ. Un arrêt de travail est en général indispensable, de quelques semaines au moins (il faut que les cheveux aient un peu repoussé pour que vous soyez « présentables » devant un employeur !)
Certaines équipes font faire avant la sortie, une artériographie de contrôle afin de bien vérifier que votre anévrysme a complètement disparu. Dans d’autres cas, un angioscanner précoce est demandé et l’angiographie peut être ensuite effectuée en externe, à distance de l’hospitalisation.
5.3 : A plus long terme : vous serez revu en consultation par votre chirurgien avant la reprise du travail ; il vous proposera si cela n’a pas été fait avant votre sortie, une artériographie de contrôle. Vous pourrez mener une vie normale, en principe sans restrictions à l’exception de certaines activités à risques spécifiques (plongée sous-marine, aéronautisme …) Il est actuellement conseillé de refaire un examen radiologique de contrôle (artériographie ou angioscanner) à 5 ans de l’opération, puis tous les 10 ans.
6. Risques et complications de l’intervention :
a. : inconvénients mineurs mais inéluctables : au réveil de l’intervention des céphalées sont très fréquentes pendant quelques jours car pendant l’opération vous aurez perdu du liquide cérébro-spinal (celui qu’on prélève dans les ponctions lombaires), et il faudra le temps de le reconstituer (quelques jours). Il est difficile d’éviter complètement des douleurs à la mastication pendant quelques semaines car il est très difficile de trépaner au bon endroit sans abîmer le muscle temporal qui sert à mâcher et dont la cicatrisation est un peu difficile. Enfin à long terme, si la cicatrice ne se voit pas, il est rare qu’il ne reste pas une légère dépression en regard d’une partie du volet, particulièrement derrière l’arcade orbitaire. Ceci représente un préjudice minime, purement cosmétique, mais définitif. b.: un traitement antiépileptique est souvent prescrit pendant quelques jours après l’intervention. Ce délai est variable selon les équipes. Il arrive cependant, bien que rarement, qu’une véritable épilepsie se développe après l’intervention, nécessitant alors de poursuivre ce traitement de façon prolongée. c. : infections postopératoires, infections nosocomiales. Elles existent dans tous les services d’un hôpital. La chirurgie de l’anévrysme ne comporte aucun risque supplémentaire ou particulier d’infection, et au contraire, les infections du foyer opératoire (entraînant alors parfois une méningite) sont plutôt rares. Elles restent malheureusement possibles, de même que les infections sur cathéters, les infections pulmonaires, ou urinaires sur sonde urinaire par exemple. d. : complications éventuellement graves, spécifiques à cette intervention : par différents mécanismes, la principale complication à craindre résulte de l’occlusion d’une ou de plusieurs artères. Ceci peut arriver si votre anévrysme est volumineux, si son collet est difficile à disséquer, si il se produit une rupture de l’anévrysme au cours de l’opération, en bref si pour n’importe quelle raison le chirurgien ne peut pas parfaitement contrôler la mise en place du ou des clips sur le collet de l’anévrysme. Cela peut rester sans aucune conséquence s’il s’agit d’une petite artère dans une zone peu fonctionnelle (cela sera visible uniquement par un radiologue si vous subissez un scanner ou une IRM de contrôle), mais cela peut aussi entraîner un véritable accident ischémique cérébral (un vrai « AVC »). Selon son importance il peut laisser des séquelles plus ou moins graves, voire exceptionnellement être mortel. e. : complications communes à toutes les interventions de neurochirurgie cérébrale : les hémorragies dans le foyer opératoires sont ici assez exceptionnelles mais si elles se produisent, il s’agit d’hémorragies cérébrales parfois graves ou nécessitant une ré opération. Les complications thromboemboliques (phlébites et embolies pulmonaires) ne sont pas toujours faciles à éviter. Pour les éviter il faut prescrire des médicaments anticoagulants, mais ces derniers augmentent le risque d’hémorragie cérébrale postopératoire